Urgences-IOA-Réorientation

5 juin 2024 | Hôpital Pourquoi mettre en place la réorientation à l'entrée des Urgences ?

Le tri et la réorientation vers des soins non programmés en ville semblent inéluctables pour désengorger les services d'urgences et améliorer la QVCT du personnel du SAU

La SFMU vient de publier des recommandations pour la réorientation des urgences mais certains administratifs et même certains médecins urgentistes ont du mal à assimiler l'intérêt d'une telle pratique.

Que disent les chiffres ? 

Si l'on se réfère aux chiffres de l'été 2023 publiés par l'enquête de SAMU Urgences de France pour appréhender le problème :

  • 147 services d'Urgences ont mis en place une réorientation
  • 163 services d'Urgences ont fermés ponctuellement

Que disent les précédentes expériences ?

Pour mémoire,  une expérimentation avait été instaurée avec une facturation de 60€ pour la réorientation pour une durée de 24 mois (Arrêté du 23 février 2021).
Débutée en mai 2021 dans certaines régions, elle n'a pas fait l'objet de suite.

👉 A consulter le rapport d'évaluation  : https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_d_evaluation_forfait_reorientation_urgence_compress.pdf

Points importants à retenir de cette expérimentation : 
  • Le besoin de lien entre le logiciel hospitalier et les structures de ville pour disposer de créneau SNP et transmettre de manière sécurisée les informations du patient
  • L’organisation de la validation de la réorientation par un médecin urgentiste
Toujours est-il que certaines structures le mettent en place désormais malgré l’absence de rétribution financière.

Que dit la loi ?

Désormais dans l’ Article R. 6123-18-1 du décret n°2023-1374 du 29 décembre 2023,  un arrêté du directeur général de l'agence régionale de santé est nécessaire pour mettre en place cette organisation.

Quels impacts ?

 

Impacts financiers

Du côté administratif, on voit une perte de facturation dans une telle procédure. Il faut néanmoins rappeler que l'on réoriente des patients CCMU 1 dont la facturation sera de toute façon faible et la mettre en regard du coût d'un médecin urgentiste voire d'un intérimaire pour faire de la médecine générale dans un SAU.

Impacts organisationnels

Si la SFMU propose cette solution, c'est bien pour diminuer la charge de travail sur les urgentistes afin de les recentrer sur leur cœur de métier.

Outre l'épargne de charge psychologique en réduisant l’engorgement des urgences, cela permet aussi de réduire le besoin en urgentiste et donc selon l'organisation de certains services de retirer une ligne d'urgentiste sans détriment pour les vrais soins d'urgences.
La diminution du flux patient améliore la qualité de vie au travail (QVT) des soignants, paramédicaux et médicaux évitant une fuite de ces ressources.

Cela permet également de ne pas fermer ponctuellement un SAU. Ce qui pour le coup, est une vraie perte pour l'établissement dont 40% des hospitalisations passent par les urgences sans parler des conséquences pour la population d'un service d'urgence fermé.

Impact patient

En proposant une évaluation par une IDE des urgences, le patient est rassuré. Il évite de longues heures d’attente et de frustration.
Certes, certains patients seront mécontents de ne pas pouvoir accéder au plateau technique, aux spécialistes et à la solution tout-en-un au même endroit. Mais, malgré les quelques patients insatisfaits, si on réoriente une petite partie du flux patients, cela permet déjà de diminuer la charge pour l’équipe du SAU.
Pour que le patient accepte cette solution, il est indispensable de lui proposer une solution alternative concrète en lui proposant un rendez-vous via le SAS ou les CPTS. 
Cela améliore le parcours patient ainsi que le lien ville-hôpital en favorisant le développement des Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS).

Quelle solution ?

Le tri et la réorientation semblent donc l'inéluctable futur des urgences mais il faut pouvoir le faire avec méthode, sécurité et proposer des solutions alternatives aux patients.
La solution se doit d’être simple, rapide et sécurisé pour l’IOA et permettre facilement une validation par un médecin d’accueil.
Elle doit simplifier le travail en évitant si possible les redondances de saisie, permettre une traçabilité et accéder facilement aux logiciels de la ville afin de caler des rendez-vous et transmettre les informations de manière sécurisée.
Il faut que la médecine de ville participe activement en proposant des créneaux de consultation et que leur solution logiciel communique avec son homologue hospitalier.
Il faut insister sur le rôle que peuvent jouer les CPTS et le SAS dans cette démarche.
L’ARS , l’ordre des médecins et l’établissement du SAU doivent prendre un rôle actif dans ce dispositif afin d’ancrer cette solution dans la prise en charge des patients du territoire concerné.


Rodolphe MAIGNAL

Ecrit par: Rodolphe MAIGNAL

Médecin urgentiste. Expert médical chez Anamnèse